La danse tahitienne est plus qu'un stéréotype : c'est un enjeu culturel et symbolique. Aux antipodes d'un folklore touristique, elle constitue l'un des piliers les plus vivants et expressifs de la culture maohi et contribue au rayonnement de la culture tahitienne.
Derrière chaque spectacle auquel vous assisterez, se cachent des mois de répétitions, une chorégraphie codifiée, une signification légendaire savamment travaillée, une hiérarchie, et un sens. Dans ce pays de tradition orale, la danse tahitienne n'est en effet pas qu'esthétique, elle contribue à préserver la mémoire.
On distingue plusieurs types de danse. Elles sont rarement présentées séparément, mais intégrées à un programme où elles sont exécutées alternativement. Attention ! Ce qu'on appelle le tamure n'est qu'une appellation récente, vulgarisée, de la danse tahitienne et ne correspond à aucune réalité chorégraphique.
L'ote'a : puissance et rythme |
Signifie : marcher les jambes très écartées.
Accompagnées uniquement par les percussions, qui
produisent des séquences rythmiques, les ote'a sont très impressionnant
car très physique.
A l'origine, cette danse guerrière était uniquement masculine. Aujourd'hui,
elle est le plus souvent mixte, mais conserve un caractère "viril"
dans sa gestuelle et son rythme, que renforcent les cris des danseurs.
Les pas des hommes et des femmes sont
radicalement différents :
¤ les hommes utilisent surtout les
jambes dans un mouvement très caractéristique et spectaculaire, appelé pa'oti
: jambes fléchies, talons joints et légèrement décollés du sol, ils ouvrent
et ferment alternativement les genoux dans un mouvement de ciseau, lent ou
rapide selon le tempo donné par les percussions. Ils ne doivent pas bouger les
hanches.
¤ chez les femmes, le mouvement de base est le ori,
déhanchement, provoqué par la flexion amplifiée et alternative des genoux,
pieds à plat. Le torse et les épaules doivent rester immobiles.
Le répertoire des pas, surtout masculins, est très varié dans l'ote'a :
Les mouvements des bras et des mains, placés
vers le haut du corps, assez brusques et angulaires, sont communs aux 2 sexes.
Sur scène, les danseurs sont placés, en colonnes du même sexe.
L'otea inclut parfois des solos : le groupe s'assied ou s'agenouille et à tour
de rôle, un interprète ou un couple se lève et danse.
Un thème sous-jacent, qui peut être évoqué par des accessoires, régit la chorégraphie ; ce peut être, par exemple, le volcan, le requin, un évènement historique ou une légende.
L'aparima : entre chanson de gestes et pantomime |
C'est une danse mixte qui raconte un récit avec
des gestes de mains et des paroles chantées.
L'histoire peut être une légende, une romance, ou un scène de la vie
quotidienne.
A la différence de l'otea, ce sont les mouvements des bras et des mains qui prédominent, que les yeux et le visage des danseurs suivent.
Bien qu'il n'y ait pas de langage spécifique (un geste pour une signification), ils sont très expressifs et réalistes : les danseurs miment véritablement la scène en question (pagayer, ouvrir la noix de coco, ...), en servant éventuellement d'accessoires.
L'accompagnement musical se compose de mélodies jouées par les guitares et les ukulele, rythmées par le pahu.
On distingue 2 variantes de l'aparima :
Le hivinau : une ronde née sur le pont des bateaux |
Le hivinau imite la gestuelle des marins anglais, lorsqu'ils remontaient l'ancre et criaient "heave now".
Hommes et femmes forment une double ronde autour
de l'orchestre (tambours uniquement) et d'un soliste vocal masculin, le
ra'atira hivinau. Le soliste déclame des paroles, et les danseurs,
qui font office de chœur, lui répondent par un refrain type. Les danseurs se
croisent, tournent dans des directions opposées ou tous les 2 dans le sens des
aiguilles d'une montre. Pendant le refrain, les danseurs de chaque cercle se
font face et dansent en couple. Ils reprennent ensuite la ronde.
Les pas sont ceux de l'otea, en moins complexes.
Les percussions se contentent de battre le rythme.
Dans le hivinau, c'est surtout le jeu entre le récitatif du soliste et les réponses du chœur qui est prépondérant.
La pratique du hivinau a tendance à se raréfier, car elle nécessite un grand nombre de participants.
Le pao'a : dialogue et danse |
L'origine du pao'a remonterait à la fabrication du tapa.
Assises en cercle, les femmes chantaient en battant l'écorce pour se motiver. L'une d'elles animait le groupe en lançant un récitatif, et les autres lui répondaient. De temps à autre, une femme se levait et effectuait quelques pas de danse.
Un choeur mixte, assis, forme un demi-cercle ; au
centre, un soliste vocal masculin déclame des paroles, dont le thème est
souvent légendaire ; les membres du choeur lui répondent et soutiennent la
mesure en frappant leurs cuisses des 2 mains.
L'orchestre -tambours- se tient à côté du soliste. Un couple de danseurs
rejoint alors le centre et improvise une danse, avec les pas simplifiés du
ote'a, ponctuée de hi et de ha, à connotation érotique.
Comme dans le hivinau, c'est le dialogue entre le meneur et le choeur qui forme l'élément clé du pao'a.
Le kotaha |
Cette danse s'apparente à une forme de ote'a et s'exécute avec un rythme soutenu, au son du to'ere, très technique avec les gestes synchronisés des danseurs et danseuses disposés géométriquement.
Le paoti est un lever alternatif des jambes vertical vers l'avant. Les danseuses font des mouvements de hanche, balancé et non roulé. Les danseurs évoluent en succession de pehe, qui sont les motifs qui composent l'accompagnement musical du ote'a.
Le kapa |
Un autre type de danse est le
kapa, qui sont aux Tuamotu ce qu'est le aparima
des îles de la Société. C'est une danse courte qui s'éxécute avec un rythme
haché et qui raconte les actes de la vie quotidienne.
Il peut aussi mimer des éléments de la nature, le vent, les vagues, la nage
des poissons.
D'autres kapa racontent les faits
légendaires des héros.
Le haka |
Danse marquisienne par excellence, elle est composée spécialement par le tuhuna hati eke, compositeur des cantilènes qu'il transmet ensuite au toa nui, chef meneur de la danse.
C'est lui qui va donner le ton, poser les questions, ordonner ou désapprouver et décide du rythme. Il décide d'un acte précis : par exemple "la chasse au cochon", "la mise à mort", un sacrifice, ou un évènement précis.
Le haka est un danse très cérémonielle qui faisait partie de la vie quotidienne.
Le putu |
La danse la plus sacrée, le putu, ne dure que quelques minutes, mais ne peut s'exécuter sans le rituel qui la précède et qui la suit.
C'est une danse de guerriers, réservée aux hommes et sans accompagnement instrumental.
Le rari et le hahi et le hota |
Le rari, danse masculine s'exécute aussi bien assis que debout, et consiste en mouvement des bras et du torse.
Il s'agit d'une danse de groupe, contrairement au hahi et au hota, solos intervenant à des moments précis du rituel.
Toutes sont brèves, tant les chants sont éprouvants pour la gorge des danseurs.
Le pei |
Cette danse caractéristique prend toujours sa source dans une légende.
La chorégraphie s'articule en 3 parties :
Cette danse, fréquemment proposée dans les spectacles d'hôtel car impressionnante et très esthétique, serait originaire des Samoa.
L'interprète, un homme uniquement, jongle avec une torche enflammée aux deux bouts, sur fond de tambours.
Danseurs et musiciens doivent faire preuve d'une
harmonie et d'une synchronisation parfaites.
Les musiciens se placent généralement sur le devant de la scène, sur le
coté, pour garder un contact visuel avec le groupe.
L'orchestre est considéré comme un domaine spécifiquement masculin, surtout les percussions.
Les tambours sont les instruments maohi par excellence. Ils sont employés pour l'ote'a, le hivinau, l'aparima vava, l'apo'a et la danse du feu.
Quatre modèles sont employés :
Le to'ere |
C'est un tambour sans membrane taillé dans un
morceau de bois. De forme cylindre, il est évidé et comporte une fente
étroite sur toute la longueur, ce qui produit une résonance.
Les variations du son s'obtiennent en modifiant le point de frappe de la
baguette.
Un orchestre est généralement composé de to'ere de différentes tailles :
Le faatete |
Petit tambour à une membrane, il se joue avec 2
baguettes et repose sur un support destiné à surélever la caisse de résonance.
Il est utilisé pour les rythmes rapides.
Le tari parau |
Tambour à 2 membranes, il est utilisé comme grosse caisse. Il est frappé avec une baguette enveloppé de feutrine, et restitue un son grave et sourd.
Le pahu |
C'est une haut tambour de plus d'un mètre que le
musicien frappe avec ses mains.
Il est recouvert d'une peau de veau tendue avec un système ingénieux de
ficelles, de bois et d'anneaux.
Traditionnellement, le pahu avait de nombreuses vocations. Il pouvait servir à encourager les guerriers pendant le combat, certains servaient uniquement aux cérémonies du marae.
Le pahu upa upa était celui qui rythmait le heiva.
Ils représentent les apports occidentaux.
L'ukulele vient de Hawaii. Il s'agit d'une mini guitare à quatre cordes.
Les guitares stricto sensu font désormais également partie de l'orchestre
D'autres instruments sont parfois utilisés.
Certains sont ancestrales comme la trompe d'appel.
D'autres, plutôt issu du "recyclage", mais donnant un super son, comme la poubelle retournée, dans laquelle on plante un manche à balai, au bout duquel est attaché une corde reliée ensuite à une des anses de la poubelle : ambiance assurée !!
Divers types de chants existent, regroupés sous le terme himene ou servent de support à la danse.
Vous en trouverez quelques morceaux à la page
Les himene tarava |
Ce sont des chants polyphoniques complexes
interprétés sans accompagnement instrumental, par de nombreux choristes,
hommes et femmes.
Spécifiques aux îles de la Société, ils sont cependant traités
différemment selon les îles.
Dans un himene tarava, on peut distinguer
jusqu'à 10 voix différentes réparties en 3 strates.
Le texte est reo maohi, et peut être profane ou religieux.
Ils s'apprennent et se transmettent uniquement par tradition orale.
Les himene ruau |
Moins complexes puisqu'ils ne comportent que 3 à
5 voix, ces himene sont chantés a capella par le chœur assis en arc de cercle
devant le chef de chant.
On y distingue des choristes et des solistes.
Le ute |
Chanté par un chœur réduit, le ute est accompagné au pahu et à la guitare.
C'est un chant très entraînant, souvent improvisé, qui traite de tous les aspects de la vie quotidienne.
Éléments essentiels des danses tahitiennes, les costumes réalisés à partir de matières végétale contribuent à leur éclat. On a coutume de distinguer un type de costumes pour l'ote'a, un autre pour l'aparima.
Pour l'ote'a, la parure se compose, de la tête aux pieds :
Dans l'apirama, la parure, plus sobre, se compose
généralement d'un paréo, porté à la manière d'un pagne pour les hommes,
noué comme un jupe ou une robe pour les femmes.
Des colliers de fleurs ou de coquillages ainsi que des chapeaux sont également
utilisés.
Ces descriptions sont purement indicatives, et toutes les variations sont possibles.
Les costumes sont conçus par le chef de groupe,
en fonction du thème. L'emploi d'accessoires (pagaies, par exemple) est
fréquent pour renforcer l'évocation.
En principe , ce sont les danseurs eux-mêmes qui doivent réaliser leurs
parures.
Les masques n'ont pas cours dans la danse tahitienne, car le regard qui suit les gestes des mains et le sourire sont des effets de scène à part entière.